30 décembre 2010

Les alizés, enfin !

Transat 2010 - 3
  

Mail du 20/12 : "Journée excellente, bon vent régulier, si on avait eu ça seulement la moitié du temps ! Je continue encore vers le sud, il y a une bande de vent assez étroite entre les zones pétoleuses, j'essaie de m'y tenir et ça marche bien. Mais on a chaud, plus de 30 ° et presque autant la nuit. Comme le remarquait Alain, le bateau est nickel à part quelques pièces à changer et l'entretien normal. Il n'y a que la voile (!) comme gros truc. On commence à se dire que le retour à terre va être dur pour nous ! 4 semaines sans mettre pied à terre, ça doit faire drôle : des gens, des voitures... Je serai sûrement un peu zombie !"
Mail du 21/12 : "Nous marchons bien, bien que toujours pas assez vite à mon goût. Enfin c'est un vrai régime d'alizés, réguliers bien qu'un peu faiblards, guère plus de 15 kt sauf hier jusqu'à 22 kt. La mer est toujours bien agitée, mon second était un peu barbouillé ce matin. Nous, nous avons du chaud à revendre, plus de 31°, on transpire pas mal aux winchs ! La dernière nuit a été mouvementée car nous avons été poursuivis par des chapelets de grains. J'ai réussi à les éviter en les suivant au radar, sauf un qui nous a effleurés, on a senti le souffle de la bête...impressionnant ! Le tout sous un magnifique clair de lune. L'ambiance reste très bonne."

Le pilote et le Père Noël...

Tout semble donc s'améliorer... trop bien peut-être.

Le rappel à l'ordre est brutal : le pilote, qui marchait toujours impeccablement, bien que sans écran de commande, tombe en panne totale ! C'est une catastrophe qui ne nous laisse guère d'alternative : il va falloir se relayer à la barre 24 heures sur 24. Finies l'insouciance, l'ambiance décontractée et conviviale que nous appréciions tant au fil des semaines passées. Le jour c'est fastidieux, mais la nuit est franchement pénible d'autant qu'à cette période la nuit est d'un noir d'encre : 3 heures à barrer uniquement au compas ou à l'anémomètre, en compensant en permanence le mouvement des vagues et les oscillations du vent, on en sort lessivé. Je décide de sauvegarder le déjeuner, toujours artistiquement concocté par Alain, en mettant à la cape le temps de savourer et de se parler un peu.

Enfin, la veillée de Noël va nous apporter un somptueux cadeau : sous nos yeux incrédules, après 36 heures de cette galère, le pilote se remet en marche !

Mail du 24/12 : "Notre réveillon a été assez frugal : un genre de julienne de légumes, ananas en boîte, bière ! C'est que nos réserves touchent à leur fin, encore heureux qu'il nous reste de quoi pour tous les jours ! Mais le Père Noël est passé ! Nous avons de nouveau un pilote !! Les 36 h à barrer en continu ont été très limite, aussi tu imagines notre joie quand j'ai vu le pupitre s'éclairer, sans toujours rien de lisible mais avec des touches opérationnelles. Pourvu que ça tienne jusqu'au bout, là on prendrait très mal une rechute. Il y a eu aussi une grosse panne de la Duogen. J'ai tout démonté la nuit dernière, et encore de jour. J'ai constaté la perte d'un boulon à la base que j'ai pu remplacer, et ça a l'air de marcher. Mais les crapahutages à l'arrière du bateau, pas terrible surtout la nuit...! Normalement on devrait arriver le 29. Je n'essaierai pas de prendre le vol prévu, je garderai 1 ou 2 jours pour les réparations et la voile. On est passés sous la barre des 500 nm restants aujourd'hui, ça approche !"


La DuoGen, après quelques soubresauts, est définitivement en panne : l'axe de l'hélice est tordu et l'alternateur n'est plus entraîné. Il faudra changer la pièce. Il va nous manquer 7 à 8 ampères, plus de la moitié de notre consommation, et le moteur va devoir tourner chaque jour jusqu'à l'arrivée. Il n'y a plus beaucoup de gazole et nous chargeons le jerrycan de secours.












Notre route est désormais quasi rectiligne au cap. Plus de menace de calme jusqu'à l'arrivée.
      

Dernière ligne droite

Mail du 26/12 : "Le pilote reste opérationnel, c'est vraiment le plus important. Nous avons de vrais alizés à 18-20 kts, donc nous avançons très régulièrement et le matériel ne souffre plus. On se la coule douce, même si la gastronomie du bord est en effet sommaire. On s'est promis un bon resto à l'arrivée. Alain restera à bord jusqu'à ce que je parte et m'aidera à tout mettre en ordre pendant que je courrai les chantiers et mécaniciens. On prévoit toujours d'arriver le 29, mais peut-être dans la nuit précédente si on continue à marcher comme maintenant. Dans ce cas on prendra peut-être un mouillage, je ne veux pas entrer de nuit dans ce passage plein de récifs et de coraux. J'ai hâte de rentrer maintenant, même si ce sont en ce moment les meilleurs jours de navigation, ceux qu'on a tant attendus !"
 
Alizés et grains tropicaaux
Mail du 28/12 : "C'est la nuit la plus longue, on devrait arriver au petit matin. Il nous reste 60 nm à ce moment et les conditions sont idéales : pile au cap, vent 14 kt, vitesse 6 kt, très peu de mer. Comme quoi c'est possible ! Nous avons préparé le bateau pour l'arrivée : pavillons, remise en place de l'ancre, pare-bats... Nous avons bu le dernier vin et les dernières bières, il ne restera quasi rien mais on aura eu de quoi (à peu près) manger jusqu'au bout ! On consomme pas mal de gazole depuis que la Duogen ne produit plus, en arrivant ce sera direct ponton carburant."
Le soir du 28 décembre, nous voyons la lueur des côtes de Ste Lucie sur bâbord et de la Martinique sur tribord. C'est Alain, lors de son quart du 29 au lever du jour, qui verra le premier la terre. Je le rejoins à 7 heures pour jouir du spectacle.
 

Terre, terre !

Nous nous engageons dans le canal de Ste Lucie, assez agité : enfin un peu de sport ! Teles remonte au près vers la baie du Marin, encore une heure avant d'arriver à la passe et nous affalons les voiles. Autour de nous, des bateaux par dizaines, la côte, des bruits que nous ne connaissions plus depuis 4 semaines. Magique, cette arrivée !



Après avoir refait le plein de gazole, nous sommes placés sur un ponton géant au port du Marin, la plus grande marina des Antilles. Je n'ai jamais vu autant de catamarans en un même lieu. L'accueil est chaleureux, nous sommes heureux et un peu étourdis : nous l'avons fait !!
 

Teles à quai
 

Deux jours pour visiter les différents corps de métiers qui vont intervenir sur le bateau, et goûter aux excellents restaurants du voisinage. Alain me quitte pour d'autres aventures (c'est un lonesome cow-boy, lui...!). Et je vérifie ce que tout le monde dit : en transat, vers la fin on a hâte d'arriver mais sitôt débarqué on ne rêve que de repartir...

 
La vaste marina du Marin


Teles va recevoir une nouvelle grand-voile et quelques pièces de rechange. J'espère pouvoir l'équiper en LEDs et en panneaux solaires, et rien ne manquera pour de tranquilles navigations sur l'arc antillais, cette fois en couple.

Quelques chiffres :  

Distance parcourue : 3237 milles nautiques, soit 5994 kilomètres
Durée de navigation : 29 jours (et 29 nuits)
Consommations : gazole 109 l, méthanol 40 l
Dessalinisateur : 8h30 soit environ 760 l d'eau douce
Bière : 46 canettes
Vins et alcools : confidentiel...



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