26 avril 2015

Par les Éoliennes et le détroit de Messine

Convoyage Grèce 2015 - 3

21 avril : le vent de sud est là au matin comme prévu, d'abord à 5 nœuds quand nous quittons les côtes de Sardaigne, puis fraîchissant progressivement pour nous donner une bonne allure de travers, cap à l'est.







Après quelques tests au large, la messagerie Iridium envoie enfin des fichiers météo exploitables et je peux communiquer, entre autres avec la marina de Preveza où notre arrivée s'approche. Je prends une route plein est en fonction des prévisions de vent pour les prochaines 24 heures.


 La traversée

Les conditions sont idéales toute cette première journée : vent travers-largue, vagues 1,5 m, temps ensoleillé mais vraiment pas chaud.  Nous tenons les 9 nœuds jusqu'au soir.


En fin de journée, un couple d'hirondelles apparaît, venu de nulle part. Les oiseaux manifestent une claire volonté d'occuper le carré malgré les miettes disposées à l'extérieur.


                 Je vous raccompagne à l'extérieur...                                         Bonne nuit !

Hélas l'un d'eux ne survivra pas à la nuit, et l'autre nous quittera le lendemain pour entrer en veuvage.


Pour une fois nous avons un coucher de soleil sur ciel clair : bonnes conditions pour un "rayon vert", que nous voyons effectivement et qui est filmé, mais trop bref et saturé pour s'enregistrer.

Après les plaisirs des yeux, ceux de la table...

Les fabuleux apéros de Mohamed

La nuit venue, le vent mollit franchement. J'en profite pour une heure de moteur, comme chaque jour pour faire tourner le dessal et fournir l'eau chaude dont nous avons bien besoin. Nous restons sous voiles tout le reste de la nuit, même si notre vitesse tombe entre 3 et 4 nœuds : nous ne sommes pas pressés, et bien nous en prend...

1h30 du matin, Alain est de quart. Je suis réveillé brutalement par un gros choc à l'étrave : aucun doute, nous avons percuté un OFNI. Je surgis en petite tenue dans le cockpit où Alain, rejoint par Mohamed, éclaire l'arrière à la frontale. On voit un long tronc d'arbre passer sous la nacelle et disparaître. Rapide estimation des dégâts : à l'intérieur, pas de voie d'eau. A l'extérieur, pas de dommage apparent au-dessus de la flottaison. Les étraves de Shrubb sont renforcées et munies d'une solide crash-box. C'était du bois et nous étions à 3,5 nœuds : peu de conséquences à redouter. Après quelques minutes à guetter une éventuelle avarie, rien ne se passe et nous reprenons notre état antérieur. J'ai toujours avec moi l'iPad avec répétiteur du traceur et je surveille peut-être un peu plus... 

Au matin, nous avons parcouru 128 nautiques en 24h, temps honnête vu le peu de vent. Nous croisons des dauphins et quelques cargos.
  


Dès le milieu de la matinée, nous traversons une zone déventée que nous n'éviterons pas malgré notre écart de route vers le nord.









Météo : le grand calme...
 

Nous faisons route au moteur une vingtaine d'heures, jusqu’au lever du jour suivant. C'est un paysage féérique qu'éclaire le soleil levant : nous sommes au milieu des îles Éoliennes.

L'île Salina
Le Stromboli et l’île Panarea
Entre les îles, l'effet canal se fait sentir : ces îles ne s'appellent pas éoliennes pour rien ! Nous pouvons remettre sous voiles à 7 h et tirer quelques bords au sud de Salina et au nord de Lipari.

Notre route dans l'archipel des Éoliennes


Le Stromboli et ses éruptions toutes les 7 ou 8 secondes

Spécialité locale : les hydroglisseurs lancés à 30 nœuds

LIPARI

Nous contournons par le nord et l'est la principale île de l'archipel. C'est un territoire actif : ports, carrières, et bien sûr tourisme grâce à un riche patrimoine archéologique.

Côte nord : le port d'Acquacalda
Porticello : les carrières de pierre ponce

La baie de Canneto


Ces paysages sont autant de mouillages, ouverts à l'est et praticables selon la météo. Nous poursuivons vers le sud où j'ai prévu une escale touristique sur la ville de Lipari, chef-lieu de l'île éponyme et de tout l'archipel.
Nappe de brume entre Lipari et Vulcano
La baie de Lipari
Nous jetons l'ancre dans la zone de mouillage de Portinente, juste au sud du port principal, seuls à jouir du panorama. Nous avons parcouru 273 nautiques depuis Arbatax.

Portinente, le port Marina Corta et Sotto Monastero
L'endroit est tranquille, mais notre chaîne d'ancre a écrasé un filet de pêche tombé au fond. Son propriétaire nous demande aimablement - et en s'excusant - de relever notre chaîne, et nous le dégageons de bonne grâce. Plus tard, des jeunes viennent nous vendre des dorades qui nous régaleront pour 2 repas.
 

L'annexe nous amène en une minute au port de Marina Corta, d'où nous allons visiter la ville.




En montant vers l'Acropole qui abrite le musée archéologique, nous sacrifions à la gastronomie locale au restaurant Filippino : adresse à retenir. L'ambiance semble d'abord un peu empesée, mais l'accueil est vite chaleureux après que nos efforts pour parler italien sont reconnus. Le patron vient même nous saluer en toute simplicité, mais où avons-nous déjà vu ces gens bien typés ? Le Parrain, le Clan des Siciliens...?? 

Recettes maison : linguine, risotto à l'encre de seiche, vins locaux et desserts exquis
Après ce festin, les nourritures de l'esprit sont aussi abondantes au Museo Eoliano, installé en grande partie dans l'ancien évêché qui surplombe la ville et la baie. Les collections remontent à l'âge de bronze, tant ces îles ont vu passer les conquérants de toutes les époques : Étrusques, Grecs, Carthaginois, Maltais, Normands, Arabes, Espagnols... Certaines parties du musée ont été érigées sur les lieux mêmes des fouilles, en particulier les sépultures conservées pratiquement dans leur état d'origine.


La cathédrale San Bartolomeo
Vestiges urbains gréco-romains
Bloc d'obsidienne
Urnes funéraires du XIVème s. avant J.-C.
Sarcophages grecs et romains

Collection de vases grecs en parfait état

Les gardiens du musée
Les terrasses autour du musée offrent une vue dominante sur la baie et les îles voisines. Les eaux sont cristallines et le ciel immaculé.
 

VULCANO

24 avril : 3 milles nous séparent de Vulcano, à peine le temps de faire tourner moteur, dessal et chauffe-eau.

Vulcano : le Grand Cratère et ses émissions soufrées

Nous prenons le mouillage de Porto Levante, truffé de casiers et filets que mes équipiers postés à l'avant me font éviter de justesse.

Un voisin de mouillage : rare !
Intermède distrayant : un troisième bateau prétend mouiller à proximité. Ses manœuvres sont spéciales : dos au vent à 3 m de nous, panne du guindeau, cris et panique à bord...

Je commence à trouver ce voisinage un peu trop proche et je sors l'arme fatale : l'appareil photo ! Imparable, aussitôt le fâcheux s'enfuit dans une complète déconfiture.

Et nous, pliés ! Comportement peu charitable, il est vrai...







Le débarquement sur Vulcano, île dominée par le Grand Cratère toujours actif, tient du franchissement du Styx : dès notre approche en annexe, ses exhalaisons méphitiques nous prennent à la gorge .

Le port sous les pentes du volcan













On loue toutes sortes de véhicules
Mohamed n'a qu'une idée en tête : monter au cratère. Dédaignant loueurs et excursionnistes, il s'élance à pied à l'assaut du monstre puant, et va, au risque de ses bronches, nous ramener d’exceptionnelles images.













D'où vient cette odeur...?

Au nord, les baies de Porto Ponente et Porto Levante (avec Shrubb), les îles Lipari et Salina
Les seniors de l'équipage ont préféré rester au niveau de la mer pour une balade à travers le village et vers le mouillage jumeau de Porto Ponente.
 
Quelques hôtels, encore fermés
Jardins de terreau volcanique
Porto Ponente : vaste mouillage devant une longue plage de sable noir
Ce lieu de villégiature, encore endormi en cette saison, doit attirer des visiteurs en nombre en été. Mais séjourner dans un tel endroit baigné de soufre et de gaz toxiques...? Étonnant tout de même...

Nous n'en avons pas fini avec les relents de cuisine du Diable : sur le rivage, là où Shrubb a jeté son ancre, des bulles de gaz remontent à la surface.



Le clou du spectacle est peut-être ce marigot de boue sulfureuse, où quelques curistes viennent se faire décaper l'épiderme sous l'haleine de Belzébuth.




Si l'air est empoisonné, la température est douce et nous flânons un peu dans le quartier des bars, où nous finirons par un apéritif servi avec prodigalité et gentillesse extrême.

L'île est aussi hospitalière pour les chats







De l'air...!


Le détroit de Messine

25 avril : la levée du mouillage est un peu acrobatique ; un corps-mort perfide est venu s'emmêler sur notre chaîne, l'enrobant au passage d'une vase immonde. Nous quittons Vulcano, brillamment éclairée par le soleil matinal, cap sur le nord-est de la Sicile.


La côte nord de Sicile
Au loin, l'Etna sous la neige
Il faut attendre la fin de la matinée pour mettre sous voiles, quand se lève un petit vent de nord-est au bon plein. Ce vent devient instable et s'inverse, sortant avec puissance du détroit au sud-est. A 14 heures, nous sommes prêts à affronter ce passage parfois redoutable, dont l'entrée nord est signalée par un immense pylône.



L'étroit couloir - 1,5 mille au plus court - est divisé en deux rails pour cargos et traversé par de multiples ferries. Nous sommes face au vent de sud à 20 nœuds et nous allons louvoyer au près pendant 4 heures avec 8 virements de bord.



Les multiples croisements se passent au mieux. A plusieurs reprises nous sommes en route de collision avec l'un ou l'autre monstre mais tous ont dévié leur cap pour nous laisser tirer nos bords tranquillement.



A l'ouest, le port de Messine
A l'est, la vaste agglomération de Reggio de Calabre

Il est 18 heures quand nous quittons la partie large du détroit, au droit du cap Spartivento, et le vent mollit considérablement en eaux libres. Nous finirons par 2 heures au moteur pour arriver à la nuit au mouillage de Taormina.


La zone de mouillage est large mais peu protégée de la houle d'est. Après une reconnaissance au radar, nous jetons l'ancre sans avoir trouvé d'abri réel. La houle va diminuer pendant la nuit, et notre sommeil n'en sera guère affecté.

26 avril : nous découvrons au soleil levant les hauts reliefs de la côte, bien pourvus en hôtels et constructions diverses. 
 
Taormina au pied des sommets enneigés de Sicile


L'étude de la météo sur la traversée suivante indique la fin de la journée comme meilleur créneau de départ. Nous en profitons pour quelques réparations et bricolages sur le bateau dans cet agréable décor.

A la recherche du câble d'éclairage de cockpit...


Le temps est beau, pas encore vraiment chaud mais nous commençons à gagner quelques degrés.


Nous levons l'ancre à 18h. La prochaine terre que nous toucherons sera la Grèce.

Merci à Mohamed pour ses contributions en photos

A suivre ici

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