23 septembre 2009

Calanques et mouillages

Cal_134.jpgMi-septembre, la meilleure époque pour la navigation côtière en méditerranée. 

Cette petite croisière, avec Armelle et moi en amoureux (près de 200 milles tout de même), a été aussi très...mouillée.




 

Au départ : c'est l'été !

Les calanques ont fait l'objet d'articles récents dans la presse nautique, ce qui a aiguisé notre envie d'explorer ces reliefs célèbres entre Marseille et Cassis. Notre route va nous mener à l'ouest de Toulon jusqu'aux abords du cap Croisette.
 
Soleil, ciel bleu et petit vent de sud ouest nous emmènent sans fatigue au sud de St Tropez. Le plan d'eau est fréquenté mais de bonne compagnie.

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Premier mouillage au cap Taillat, juste pour le temps pour Armelle de s'amariner un peu.

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Après cette première nuit (un peu agitée, le vent ayant tourné à l'est dans la nuit), nous aurons une belle journée de navigation entre la côte et les îles d'Hyères, contournant la presquîle de Giens, longeant St Mandrier en face de Toulon, le cap Sicié pour arriver aux Embiez : 45 milles au portant, terminés au moteur quand le vent tombe dans l'après-midi.

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Randonnée aux Embiez

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L'île des Embiez est une sorte de mausolée à la gloire auto-proclamée de Paul Ricard qui l'a achetée en 1958 : posters du grand homme à tous les coins de rue, colonnes gréco-romaines, décors d'un désuet presque touchant... 
 
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Au moins cette mégalomanie égocentrique a-t-elle préservé la petite île des voitures, le port est accueillant et les paysages magiques.

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L'îlot du Grand Rouveau, Bandol et Sanary à l'arrière-plan
 

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Nuit d'angoisse à Figuerolles

Cal_058.jpgContinuant notre progression vers l'ouest, nous traversons la baie de La Ciotat.

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La Ciotat : le chantier naval
 

Si l'appréciation de l'équipage est partagée sur l'esthétique du paysage industriel, la pointe de l'Aigle, à la sortie de la baie, est unanimement reconnue comme remarquable. C'est ici que commencent les calanques.

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La Pointe de l'Aigle

Figuerolles est la première calanque à l'ouest de La Ciotat. La passe est étroite. Il s'y trouve un gros catamaran qui nous laisse juste la place de jeter l'ancre. Les parois sont proches de tous côtés. Après un contrôle en plongée et un bon moment à surveiller l'évitage et la stabilité du mouillage, nous sommes rassurés : le fond est bon et la position de l'ancre est solide. Baignade et insouciance : nous ignorons les menaces tapies dans l'ombre...

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Calanque de Figuerolles
 
 
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La nuit vient. Il y a toujours du vent, le bateau pivote sans arrêt autour de l'ancre. La position reste stable. Nous dormons bercés par la rotation du bateau.

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3h30 du matin :  le bateau est secoué par la brusque montée du vent. Des rafales s'engouffrent dans le goulet de la calanque qui en multiplie la puissance. De tous côtés viennent des bruits inquiétants : l'éolienne à plein régime s'affole dans un sifflement sinistre ; les vagues s'écrasent sur les parois rocheuses toutes proches ; le mât et les drisses vibrent en longues plaintes montantes. Le bateau tourne maintenant autour de son mouillage sur plus de 180° dans un cycle de plus en plus rapide. Le mur hérissé à quelques mètres de la poupe semble s'approcher à chaque rotation.

Plus question de dormir.  Je monte sur le pont, armé d'une torche puissante. Le bateau tire sur la chaîne mais l'ancre tient bon, l'évitage n'a pas augmenté. La paroi, si menaçante, reste toujours à une dizaine de mètres à son point le plus rapproché. Je prends des repères en évaluant les mouvements et les bruits. Je retourne dormir d'un œil... Armelle est aux aguets dans un demi-sommeil haché. 20 fois, 30 fois je remonte, vérifie mes repères dans la nuit noire. Le vent ne faiblit pas, les surventes arrachent des gémissements infernaux aux parois de la calanque. Le mouillage tient toujours.

6h00 :  le jour commence à poindre. Les rafales se succèdent mais le vent change de direction. Dans le goulet où nous sommes toujours, les turbulences deviennent fortes et le bateau commence à éviter dans le sens inverse de l'ancre : danger ! Je ne quitte plus le pont, évaluant chaque mouvement.

6h30 :  dans la folle sarabande du bateau, nous percevons un petit décrochement, un double déclic discret mais net. Aucun doute, l'ancre a bougé. Coup de torche vers la paroi rocheuse : à peine 3 mètres !

Alerte générale !!  Je lance : "on s'en va !"

Le sang-froid de l'équipage  est admirable. Chacun prend son poste dans une discipline sans faille. Moteur, guindeau, l'ancre est remontée, le bateau se retrouve l'étrave vers le fond de la calanque, désormais livré à lui-même. Le demi-tour est infaisable sans risque d'être drossé sur la paroi. Je mets les gaz à pleine puissance en marche arrière, contre un courant perfide. La sortie de la calanque semble loin... Le bateau roule dans un parcours cahotique et sinueux mais recule dans la bonne direction. Le jour est maintenant assez levé pour progresser à vue. Il faut encore contourner un rocher sur tribord à l'entrée, repéré lors de notre arrivée la veille. Enfin le bateau jaillit de la calanque et se retrouve en eaux libres : sauvés !

Refuge à La Ciotat :  nous entrons au port dans le jour naissant. Le quai d'accueil est bondé, à part une ou deux places étroites et très peu de place pour manœuvrer avec plus de 15 nœuds de vent. Je préfère ressortir et prendre un mouillage devant la digue du port. Nous nous ancrons sans difficulté malgré le vent, dans cette large baie où cette fois nous ne craignons rien. Reste à s'endormir tranquilles et finir notre nuit...

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Sous le charme de Cassis

L'équipage ayant manifesté quelque réticence à explorer derechef les calanques, et dans une sage politique de prévention des mutineries, le capitaine dirige l'étrave de Teles vers Cassis. C'est une bonne navigation d'une douzaine de milles vers le nord ouest, où le vent nous porte en moins de trois heures.
 
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Le port est plein, mais la baie de Cassis est un des plus beaux mouillages qui soient. Nous jetons l'ancre dans ce décor impressionnant et quasi désert.
 
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Baie de Cassis
 
Nous allons mettre l'annexe en service pour débarquer. Il reste une rame, l'autre ayant été volée à Minorque : nous dépendons donc complètement du moteur hord-bord. Après pas mal d'efforts pour le faire démarrer (on reste calme, même après avoir tiré 30 fois sur ce fichu câble de tondeuse à gazon...), le moteur se met à gronder dans un nuage de fumée et des vibrations à faire peur. Nous nous amusons comme des gamins en progressant dans ce charivari peu discret vers le port.

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Cal_093.jpgAmbiance provençale à la Pagnol, cafés bondés et boulodromes, nous sirotons des glaces à l'ombre des platanes. 

Il fait chaud...
 

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Retour au bateau après un nouvel épisode désopilant : l'annexe tombe en panne au milieu du port ! Je fourrage dans le moteur pour m'apercevoir que je n'avais pas ouvert l'arrivée d'essence... On repart sous les réflexions narquoises de quelques spectateurs qui mettent Armelle en joie, bien entendu !
 
Nuit sans incident cette fois face au port.
 
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Les calanques : dans le vif du sujet

Complet changement de décor : après ces journées chaudes et ensoleillées, une épaisse couverture nuageuse est venue par l'est. Nous nous éveillons sous la pluie dans un air plutôt frais et sans vent. C'est dans ces conditions que va se faire notre visite des calanques, les plus renommées entre Cassis et le cap Croisette juste au sud de Marseille.
 
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Aux roches rouges ferrugineuses jusqu'à Cassis succèdent des falaises blanches, crayeuses et beaucoup plus verticales, aux stratifications très marquées. Cette pierre cassante s'est creusée de multiples failles et échancrures, d'où ce relief très accidenté des calanques.
 
Même aux trois quarts vides en cette saison, des vedettes de touristes sillonnent les calanques à toute allure : on va jouer un peu à cache-cache en narguant (entre nous, bien sûr !) les rares passagers, et parcourir ainsi les 5 grandes calanques.
 

Port-Miou

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Entrée de la calanque de Port-Miou
 
Port-Miou, voilà un mouillage sympathique : double amarrage sur bouée et à l'arrière sur anneau à terre. En fait c'est un vrai port avec pas mal de places libres. L'équipage ne se laisse pas convaincre de passer une nuit ici...

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Port-Miou

Port-Pin

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Entrée commune de Port-Pin et En-Vau
 
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Calanque de Port-Pin
 

En-Vau

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Cal_124.jpgLes calanques jumelles de Port-Pin et En-Vau se terminent par une petite plage, d'accès difficile par voie de terre.
 
Chacune offre une zone balisée de mouillage sur ancre, en réalité très étroite et praticable seulement pour les petits bateaux.




En attendant, nous continuons à nous mouiller tout en longeant la côte : les falaises n'y sont pas moins spectaculaires qu'au fond des calanques.
 
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Morgiou

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Sormiou


Cal_157.jpgMorgiou et Sormiou se terminent sur un petit port pour embarcations à moteur.
 
Le mouillage est interdit dans ces calanques.












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 Nous sommes à proximité du cap Croisette, Marseille est juste derrière.








Devant nous, l'île de Riou, très accore et paradis des plongeurs, n'offre pratiquement aucun abri.
 
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Île de Riou

Fin des calanques ! Malgré le temps particulièrement maussade, c'est une belle visite. A retenir : pour un voilier de la taille de Teles, seul Port-Miou est un mouillage praticable. L'exploration se fait au moteur : pas facile de manœuvrer sous voiles dans ces espaces étroits. Cassis et La Ciotat sont les refuges les plus proches, en prévoyant de préférence le mouillage.
 
Il reste à rentrer, mais d'autres étapes nous attendent.

Grain à Bandol

La météo n'est pas fameuse. La tempête se déchaîne sur les côtes de l'est-Var et vient vers nous. Nous devons être en sécurité pour la nuit : Bandol est l'abri qui s'impose. Cap au sud-est sous voiles. Le vent d'est nous oblige à tirer quelques bords : Teles couvre les 27 milles par une bonne brise force 4, encore du plaisir mais Armelle ne le goûte pas trop sous la pluie incessante... Nous nous amarrons en fin d'après-midi dans le port de Bandol.

Cal_160.jpgLe début de soirée est tranquille. Je fais le tour du pont, assurant tout ce que pourrait emporter le vent. 

L'annexe remontée sur le rouf est fixée solidement, je vérifie amarres, nœuds, pièces mobiles et hublots. Je vais même arranger une drisse sur un bateau voisin, qui bat déjà et fait un bruit horripilant. 







 
 
Nous nous préparons à la nuit devant la ville illuminée.
 
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Les hostilités commencent à minuit pile. Le vent monte brusquement en mugissant dans le mât. Tout autour de nous les drisses entament leur battement rythmique, l'eau s'agite et le bateau oscille en cadence. Des éclairs illuminent le carré à intervalles rapprochés, le tonnerre gronde presque aussitôt en détonations terribles : l'orage est carrément sur nous. Avec tous ces mâts, combien de paratonnerres ! Et la pluie : un déluge, des trombes d'eau se déversent dans un vacarme assourdissant sur le pont. 

Par les hublots, nous contemplons le spectacle mais on ne voit pas grand chose, rien qu'un rideau quasi-opaque et mouvant derrière le ruissellement. Le pont avait bien besoin d'un rinçage depuis ces derniers jours de navigation où il avait pris pas mal de sel : là il bénéficie d'un nettoyage haute pression comme jamais ! Je m'en réjouis aussi pour l'annexe qui va être impeccablement nettoyée. 

Ce régime va durer deux bonnes heures, puis baisser lentement en régime. N'ayant rien à redouter, nous trouverons finalement le sommeil quand le niveau de bruit sera descendu à un niveau supportable.

Au matin, l'aube est encore grise mais la pluie a cessé. Comme prévu, le pont est rutilant, comme neuf : quel plaisir à voir, un bateau aussi propre après 5 jours en mer !

Nous passons la journée à visiter Bandol et marcher le long de la côte : le paysage vaut le déplacement, pendant que le soleil revient progressivement pour éclairer la fin de journée.

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L'île de Bendor devant Bandol, le massif de Sicié au loin
 
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La soirée est délicieuse : après avoir goûté la gastronomie locale, nous allons au cinéma. Le film n'a guère d'intérêt, mais le cadre est extraordinaire : un cinéma des années 60 comme on n'en voit plus. Le personnel est majoritairement octogénaire, la salle est décorée de gros boudins en plâtre comme on n'en ose plus dans les dessins animés, les sièges sont en cuir authentique et en parfait état. On s'attendrait à voir les actualités Fox Movietone et les publicités pour Simca et Banania ! Il y a 5 spectateurs dont nous, c'est irréel. A la sortie, l'hôte des lieux, 110 ans, nous souhaite une bonne fin de soirée. Nous le remercions, honteux de mal retenir un fou-rire incoercible...

Pèlerinage à Port-Cros

C'est la fin des alertes météo, bien que le temps prévu reste humide pour les jours suivants. Nous allons rallier Port-Cros, distant de 33 milles, par une journée presque estivale. Un bon force 4, revenu au secteur ouest, nous offre plusieurs heures sous spi.

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La magie de Port-Cros opère toujours. Armelle a un faible pour cet endroit, que nous ne pouvions donc pas manquer sur la route du retour. Il y a du monde mais de nombreuses places libres et nous prenons une bouée à proximité des pontons.

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Cal_215.jpgNouveau réveil sous la pluie : ce sera une matinée farniente - lecture - ordinateur. Il y a tout ce qu'il faut pour paresser à bord et l'éolienne travaille bien pour nous donner l'énergie nécessaire.
En début d'après-midi, les averses s'espacent quelque peu. Nous avons envie de nous dégourdir les jambes et Armelle ne peut retarder davantage le moment de fouler le sol de Port-Cros.



N'écoutant que notre inconsc courage, nous allons partir à l'assaut des sommets de Port-Cros, la plus haute des Îles d'Hyères.

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Les heures passent, nous ne sommes toujours pas en haut. La fatigue se fait sentir et même (c'est le comble !) la soif. Il n'y a qu'un chemin, assez raide, que nous n'avons pas envie de redescendre.
 
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Le ciel s'obscurcit. On voit des nuages noirs et des grains violents sur la mer et les îles voisines. Nous prions pour être épargnés car ce rude chemin deviendrait boueux et impraticable sous de telles averses.

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Nous atteignons enfin le sommet du mont Vinaigre (près de 200 m d'altitude), dans une demi-nuit où nous croisons d'autres aventuriers, hagards et pressés de redescendre. Nous prenons juste une minute pour profiter de la vue imprenable.

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Le chemin se poursuit vers le bas, heureusement plus court que la montée. A 200 mètres du village, la pluie nous rattrape. Nous nous abritons sous le couvert de la végétation qui offre un bon abri. Puis nous atteignons le port et ses cafés juste avant que ne se déclenche un véritable déluge. Sous la terrasse, nous savourons enfin une bonne bière devant l'écran liquide et son martèlement assourdissant.
 
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Dernière étape : que d'eau, que d'eau !

Fréjus est à 44 milles. La météo reste perturbée : inutile de s'attarder davantage avec ce temps pourri, nous ferons le parcours dans la journée.
 
Difficile de faire une route avec ce vent capricieux qui n'a cessé de changer les derniers jours. La mer semble agitée entre les îles et le continent et je décide de prendre au sud. Ce n'était pas la bonne idée : je me retrouve avec un vent de face et une bonne houle à l'arrière. Cette situation inédite est intéressante pour le navigateur mais fort peu goûtée par Armelle. Le bateau commence à secouer beaucoup et il faudra plus d'une heure pour contourner Port-Cros. Je remonte au nord du Levant, où le vent est plus régulier, un peu de face mais gérable pour tirer quelques bords vers le cap Lardier. La météo prévoit du sud-est, mais le vent reste obstinément à l'est. Chance des chances, il se remet à pleuvoir.

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Armelle a froid et se réfugie dans le carré : c'est hélas ce qui va favoriser le mal de mer, jusqu'ici absent même dans les passages un peu musclés que nous avons connus.

Cal_273.jpgFin de partie : il faut cesser de louvoyer, se mettre au moteur et prendre la route la plus directe.

Les milles vont ainsi défiler dans le ronronnement du Diesel, sous une pluie qui n'arrêtera pas un instant.




A ce rythme régulier, Armelle reprend des couleurs... Nous entrons dans Fréjus à la nuit tombante, lors d'une accalmie courte mais bienvenue pour les manœuvres d'amarrage. Neuf jours en mer et 200 milles parcourus, un record pour Armelle qui va sûrement en redemander... !
 
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