20 septembre 2014

Fin de saison en Corse


Encore un épisode corse... Mais celui-ci est exceptionnel : Armelle est de la traversée !

En partant de Sanremo, la distance est la plus courte entre le continent et Calvi : 88 milles nautiques, une petite nuit. La météo s'annonce tranquille... mais quelle certitude avoir sur une zone aussi imprévisible ?

La traversée


10 septembre : en compagnie de Pascale et Gérard, nous quittons le port de Sanremo à 16h. Le départ est un beau raté : une amarre larguée trop tôt sous un pernicieux vent traversier, et le bateau se vautre sur la vedette des garde-côtes (heureusement occupés à la sieste...) ! La militaire pendille vient bloquer mon hélice tribord, on a connu mieux. Vite, rattraper le coup avant que la foule sur le quai se rende compte de la catastrophe... Un habile mouvement pivotant me permet de libérer l’hélice et de me placer en bonne position pour repartir en marche arrière. Pas de clameur à terre, nous nous éclipsons d'un air dégagé...
Nous jetons l'ancre à la sortie du port (joli mouillage à l'est, d'ailleurs) et je me mets à l'eau pour vérifier hélices et safrans : pas de problème, on peut partir.
 

Vent sud-est 12 nœuds, Cap sur Calvi au bon plein à 7 nœuds de vitesse fond, tout va bien.



 








Dîner-sandwiches sur le pouce

   
La nuit s'avance, les quarts sont organisés entre Armelle, Gérard et le capitaine. Le vent faiblit et à 20 heures il faut appuyer au moteur.
 








Des filets dérivants : bien signalés par des feux à éclats mais pas l'idéal à croiser de nuit





Gérard prend le premier quart. Je lui succède à 1h du matin. Il y a un peu de vent et je remets sous voiles. 

Le vent se stabilise vers 9 nœuds, nous marchons à 6 nœuds par travers-bon plein sous un brillant clair de lune.






4h : à 30 milles de Calvi le ciel se couvre brusquement, les étoiles disparaissent. Une sombre masse nuageuse recouvre la côte de Balagne. Une tendance orageuse avait été annoncée, elle est bien là : le ciel est zébré d'éclairs à l'est au-dessus du Cap Corse. Le vent tourne au sud-ouest et monte en quelques minutes à 24 nœuds. La mer se forme et commence à taper sous la nacelle. Armelle est sur le pont, c'est l'heure de son quart. Gérard nous a rejoints, Pascale reste dans sa cabine sous l'emprise des anti-mal de mer.

Visiblement, on n'en restera pas là et je prends 2 ris d'emblée. Le génois est réduit, la voilure peut tenir ainsi jusqu’à 35 nœuds et je ne m’inquiète pas. Le vent et la houle continuent à monter et il devient difficile de maintenir le cap au bon plein. Calvi n'est pas loin mais le vent dépasse bientôt les 30 nœuds, il faut abattre. Vu notre position et l'orientation du vent, le plus sage est de remonter la côte de Balagne et s'abriter dans le golfe de St Florent. Je mets donc le cap à l'est, droit sur la masse noirâtre secouée d'éclairs gigantesques qui illuminent le ciel entier.
Sitôt au portant, Shrubb accélère à 12 nœuds et atteint son record de 16 nœuds à plusieurs reprises. Le vent apparent ne diminue guère, cependant, car les 32 nœuds de vent réel sont dépassés. Je prends le 3ème ris, le vent monte jusqu'à 36 nœuds, la houle grossit mais elle ne vient pas de loin et reste dans les 2-3 mètres, avec quand même quelques déferlantes. Le pilote assure avec des autolofées assez bien maîtrisées, le bateau est chahuté mais garde une route stable.



Nous remontons à toute vitesse la côte nord alors que le jour se lève. Nous approchons de l'abri mais aussi du cœur de l'orage.

Vers 7h30, alors que je me prépare à lofer et affronter les vagues par le travers, tout tombe brutalement au droit du Désert des Agriates. La nuée orageuse se dissout en quelques minutes, la mer se calme.
Nous n'avons même pas le temps de renvoyer la toile, il n'y a plus de vent : nous entrons au moteur dans le Golfe de St Florent sur une mer lisse et sous un ciel dégagé.

Cette fin de parcours mouvementée a un peu rallongé la route : 105 milles au total en 15 heures, dont 9 sous voiles.







La trace GPS de la traversée
 Face à St Florent, mouillage dans la baie de Fornali
   
Après les émotions, silence et quiétude

St Florent



On nous laisse aimablement amarrer l'annexe au port. Promenade en ville et sur les hauteurs sous un ciel estival.

Montée à la citadelle


Traitement des urgences alimentaires...














Le point météo avant de repartir
 


Calvi



12 septembre : 2 nœuds de vent lorsque nous levons l'ancre pour longer au moteur le Désert des Agriates et la côte de Balagne.
Après l'Ile Rousse se lève une bonne brise d'ouest à 18 nœuds : voiles hissées, un bord au large pour atteindre la baie de Calvi peu après 13h.


Calvi et ses célèbres bouées payantes ! En cette saison le mouillage est quasi-désert mais les gardiens veillent. Nous sommes chassés de notre premier mouillage, pourtant à bonne distance des bouées, au prétexte de chaînes en réserve sur le fond. Après avoir fait un tour du côté de la baie de Revellata, trop éloignée, nous revenons à l'est de la baie de Calvi, à un bon mille du port, où on nous laisse tranquilles.

Le mouillage "organisé", bien clairsemé, et Shrubb relégué loin à l'est


Après ces absurdes péripéties, nous savourons la vue imprenable et le calme total. Heureusement l'annexe est rapide pour rejoindre le port où, là encore, on nous laisse nous amarrer sans problème.
 
Calvi : l'entrée du port et la citadelle
  
 




Nous profitons de la visite pour refaire l'avitaillement.










A côté des fleurissantes boutiques de produits "corses" (pas toujours très corses d'origine...), une adresse à retenir : la Boucherie du Marché, près du marché couvert - chaleureux et excellent!
  

La Scandola


Le phare de la Revellata sur le cap du même nom

13 septembre : après avoir contourné la pointe de la Revellata, nous louvoyons sous une petite brise de 13 nœuds vers la Scandola, réserve naturelle et un des sites les plus fameux de Corse.
   












Halte-déjeuner dans la baie de Focolara


Le soleil de l'après-midi est optimal pour la descente du cœur de la réserve: la baie d'Elbo. Nous croisons de rares bateaux et quelques vedettes chargées de touristes.
 

La Marine d'Elbo





 


La Girolata

J'avais repéré une petite zone de mouillage à l'ouest du fort, mais il est encombré de casiers : impossible d'y jeter l'ancre. Il n'y a guère de zone praticable à proximité et il faut se résoudre à prendre une bouée dans ce "port" serré et coûteux (40 € la nuit). L'accueil et l'aide à l'amarrage sont irréprochables.


14 septembre : au petit matin, l'éveil est magique.
 






Vu la concentration, l'eau est probablement un peu douteuse mais nous sommes près de l'entrée et elle est en tout cas limpide. Un petit snorkeling est tentant.




Cargèse



14 septembre : une petite matinée pour l'essentiel au moteur, 17 milles pour rejoindre Cargèse. Là encore, les bouées payantes garnissent l'entrée du port mais il y a une large zone de mouillage libre à courte distance vers l'est.
  

Nous laissons l'annexe au port et entreprenons la rude montée au village.
  

Le cimetière marin a la plus belle vue
  
Sur les hauteurs, la maison de l'architecte
  
L'église catholique

L'église orthodoxe grecque
  


Sagone


Nous rejoignons Sagone en une heure. Tout le fond de la baie est occupé par des bouées, principalement pour les embarcations locales. Nous trouvons un mouillage au sud, près d'un petit appontement propice au débarquement.

 
  

A part le paysage, il y a peu à voir à Sagone : de rares restaurants fermés ou peu engageants, de belles constructions, un magasin de bricolage qui tombe à pic car quelques réparations étaient en souffrance sur le bateau.
 
La gent canine semble en pointe dans la qualité de l'accueil
  
Les équipières créent la version nautique des commères du lavoir
  

 

Ajaccio


16 septembre : le vent reste insignifiant jusqu'aux Îles Sanguinaires. Comme chaque jour, une ou deux heures de moteur sont mises à profit pour faire tourner le dessalinisateur et produire l'eau chaude appréciée des équipières - mais le chauffe-eau miraculeusement guéri tombe de nouveau en panne.
  
L'approche des Îles Sanguinaires
  

Une fois franchie la passe vers la baie d'Ajaccio, une petite brise d'ouest se lève et nous amène sous voiles à Ajaccio.

Sur les deux ports, Tino Rossi et Ornano, règne un trafic intense. Il y a une vaste zone de bouées au nord du port Ornano... mais aussi un petit espace, juste sous la digue sud, où quelques bateaux sont sur ancre. C'est ce qu'il nous fallait !
  
Au ras du centre-ville : un peu bruyant mais très pratique

Le port Tino Rossi tire son charme de ses multiples activités, qu'il est maintenant rare de trouver sur un même site portuaire : ferries et paquebots, petite et grande plaisance, pêche, excursions. Sous les quartiers anciens et dans l'évocation omniprésente de Napoléon Bonaparte, c'est une escale riche en couleurs, en sons et en saveurs.
  
 Le port Tino Rossi
  
L'embarquement des bateaux à excursions
  
Le quartier des pêcheurs
 
Le musée Fesch et les galeries de tableaux
  
Avenue Serafini : le marché
  
Ça a l'air authentique... en tout cas appétissant !
  

Nous terminons la soirée au restaurant Le Roi de Rome, adresse à retenir : cave impressionnante, service attentionné, une souris d’agneau à tomber et le verre de myrte offert.
Sur cette note qui a un goût de bouquet final, il faut commencer à envisager le retour car la météo se complique. Des orages violents se succèdent sur le Var, et menacent le sud de Corse dans les jours à venir. La section féminine de l'équipage, forte de sa première expérience de traversée, émet une farouche objection à tout vent dépassant les 20 nœuds... Les prévisions changent tous les jours : pas facile d'anticiper. Il semble se dessiner un créneau pour le lendemain soir.
17 septembre : nous allons mouiller au cap Parata, juste au sud de la passe des Sanguinaires, pour être prêts au départ en soirée. Le temps est couvert, il y a peu de vent, la mer est calme.
  
Devant la passe des Sanguinaires
  

17h : la brise est au rendez-vous. Gérard est au guindeau. La grand-voile est hissée, l'ancre est remontée, tout est prêt pour la traversée.
J'abats vers la passe, nous entendons un cri à l'avant : Gérard a pris le capot de la baille à mouillage sur un doigt et est méchamment blessé.
Un rapide examen : la blessure est sérieuse et demande des soins. Pas d'hésitation, il faut retourner à Ajaccio.
 
Gérard garde le moral
  
Après les premiers soins à bord, nous allons retrouver notre mouillage près du port Ornano et faire une visite d'Ajaccio d'un nouveau genre : l'hôpital (2 heures), le commissariat, la pharmacie de garde. Retour au bateau à 22h avec un rendez-vous de contrôle pour le surlendemain.
Nous avons donc deux jours pour flâner un peu dans la baie d'Ajaccio.

 

Porticcio - Isolella

Le mouillage d'Isolella est au sud de Porticcio, juste en face à 7 milles. Le temps s'est remis au beau : de quoi se relaxer après ces heures pénibles. Comme tous nos mouillages corses précédents, celui-ci est d'une totale tranquillité : pas une vague sur l'eau, pas un bruit ou presque.
 

 

Le retour

19 septembre : après une courte escale à Ajaccio pour le contrôle de Gérard, nous retournons au cap Parata en attendant le soir.
 

18h : le vent, soutenu pendant la journée, est tombé. Nous partons au moteur avec une grande probabilité de le conserver sur presque tout le parcours.
  

Le rythme des quarts reprend dans le morne ronronnement des moteurs et un pâle coucher de soleil.
  

A 3h du matin se lève une brise à 15 nœuds qui nous autorise à peine plus de 2 heures sous voiles.
Au matin, la côte varoise apparaît sous un ciel dégagé. Nous découvrons un couple de passagers clandestins.
  
Un rouge et un vert : nous les baptisons Bâbord et Tribord
  

Arrivée à Fréjus dans l'après-midi : une traversée de 125 milles comme en ferry !
  


La trace GPS de l'ensemble du parcours



Merci à Gérard pour son importante contribution en photos.
 

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