20 juillet 2016

Retour de Grèce

C'est le plus long parcours de Shrubb en méditerranée : 1200 milles nautiques par la route directe. 
L'itinéraire prévu au départ passe par la côte de l'Attique et l'est d'Athènes, le sud du Péloponnèse, Malte, Sicile, et remontée au large des côtes de Sardaigne et de Corse.







 

Aperçu du journal de bord :

Escale de transfert à Porto Rafti
5 juillet : Philippe, mon nouvel équipier, arrive à Porto Rafti quelques heures après le départ de l'équipage familial. Nous faisons un bon avitaillement en prévoyant un départ dès le lendemain matin.
  

6 juillet : nous profitons du meltem pour descendre le long de la côte orientale et de l'île de Makronisi. Le vent est à 20 nœuds, nous marchons à 8,5 nœuds grand largue jusqu'à la traversée du Golfe Saronique. Puis nous sortons de la zone d'influence du meltem, le vent mollit, et nous marchons au moteur en fin d'après-midi. 
 




Nous cherchons un mouillage au sud d'Hydra, mais il y en a très peu et ils sont tous pleins. Nous poursuivons jusqu'à Porto Heli où le mouillage est assuré. Nous jetons l'ancre à l'est de la baie à la tombée de la nuit, par 3 m de fond de sable, concluant cette première étape de 83 milles.

Retour à Porto Heli

7 juillet : départ de Porto Heli à 7h15, route alternativement sous voiles et au moteur. Le vent d'ouest, puis d'est, ne dépasse pas 9 nœuds, avec un léger renforcement au cap Maleas. 

Le cap Maleas


Nous avons parcouru 71 milles lorsque nous jetons l'ancre dans le joli mouillage d'Elafonisos, à la pointe sud-est du Péloponnèse, face à Cythère : 4 m de fond de sable de parfaite tenue sous le vent de nord-est qui se lève dans la nuit.

Le mouillage d'Elafonisos


8 juillet : nous sommes prêts à partir quand nous captons un appel à la VHF. Un bateau voisin a chassé et s'est échoué. Le skipper est seul à bord et appelle à l'aide en français. Nous nous portons à son secours. La situation est délicate : sa quille est profondément plantée dans le sable avec une importante gîte et il y a 20 nœuds de vent. Avec l'aide d'un navigateur anglais en annexe, Philippe attrape son aussière, la frappe au davier de Shrubb et je tire en marche arrière. Il faut des efforts qui semblent bien longs avant que le bateau bouge avec des craquements peu rassurants, mais finalement nous arrivons à le dégager. L'infortuné skipper est un peu affolé et laisse tourner son moteur quand nous lui rendons son aussière : naturellement elle va droit dans son hélice...!  Le vent le poussant vers le large, il ne risque plus d'aller à la côte et nous ne pouvons plus grand chose pour lui. Je communique difficilement avec lui par VHF en lui souhaitant bonne chance. Je suis surtout soulagé que Shrubb n'ait pas souffert de ce remorquage risqué.

Départ du sud-Péloponnèse
Nous entamons donc avec un léger retard la première longue étape de cette traversée, cap sur Malte. Nous marchons à 9 nœuds, réduction à un ris, 20 nœuds de vent au largue. 

 

Le vent mollit dès la fin de la matinée et nous faisons route au moteur pour le déjeuner. Le vent reste à 6 nœuds de face, associé à un courant contraire d'1 nœud, et nous avançons à petite vitesse, 4,5 nœuds environ.
  
Sur la route des cargos

9 juillet : nous remettons sous voiles à 5 h du matin, au bon plein puis travers-largue avec un vent toujours modéré. 

Notre vitesse est stable à 8 nœuds toute la journée et toute la nuit suivante : un plaisir rare en méditerranée !








10 juillet : le vent tombe au lever du jour et à 6 h du matin nous remettons le moteur. Il fait chaud et nous nous octroyons une pause-baignade en fin d'après-midi.

Dans l'eau immobile par 4000 m de fond

11 juillet : à part un petit intermède sous voiles de minuit à 2 h du matin, nous poursuivons au moteur jusqu'à l'arrivée à Malte en milieu de matinée.  
  
Entre les cargos au mouillage sur le Plateau Maltais
Station-service en pleine mer

Atterrissage sur La Valette
Nous avons parcouru 426 milles depuis notre précédent mouillage en Grèce.

Trace GPS de notre traversée de la mer Ionienne

Je retrouve avec plaisir l'accueillante baie de St Julian's, au nord de La Valette, où les quelques bateaux présents nous laissent toute la place voulue pour mouiller par 8 m de fond de bonne tenue. 
  
La baie de St Julian's

12 juillet : la météo est compliquée. Un vent de nord-ouest violent, f8 au moins, est prévu sur toutes les zones sur notre route pour les jours à venir. 


L'option est-Sicile et détroit de Messine nous bloquerait au fond de la mer Tyrrhénienne avec des vents contraires durables. L'option ouest semble préférable si nous partons le lendemain.

Nous profitons de cet intermède pour une réparation de fortune aussi soigneuse que possible sur le réservoir de gazole tribord. 




 
Réparation de fortune, mais efficace


Nous trouvons également la clé d'une décharge persistante de la batterie moteur tribord : le ventilateur de cale bâbord ! Il est branché comme l'autre sur la batterie tribord, alors que celle-ci n'est plus chargée que par son moteur depuis l'installation du Sterling. Je peux donc prévoir quelques modifications à apporter au plan électrique. 



En fin d'après-midi nous quittons St Julian's pour remonter l'île de Malte en profitant d'un petit vent d'est. Nous atteignons en 2 heures la petite île de Comino, où nous mouillons dans la baie de Santa Maria en compagnie de 3 autres bateaux. 









L'espace n'est pas très large mais nous trouvons un fond de bonne tenue par 4 m, entre des rochers et des câbles sous-marins.

La baie de Santa Maria




13 juillet : nous partons au moteur contre un vent faible de face qui se maintient toute la journée. 
  
Entre Malte et Gozo
Salut à Dwejra Bay sur Gozo
 

Par moments, un courant porteur nous aide.  Vers 23 h, nous pouvons mettre sous voiles avec un vent d'ouest que nous prenons au bon plein, en réduisant même à un ris au milieu de la nuit.



14 juillet : nous atteignons l'extrémité ouest de la Sicile au matin. En remontant vers le nord, le vent monte jusqu'à 22 nœuds avec un courant contraire d'1,5 à 2 nœuds. Nous tentons de continuer à tirer des bords au milieu de nombreux chalutiers, mais le fort courant annule en grande partie notre progression. 
   
Armada de chalutiers au sud-Sicile

Nous poursuivons donc au moteur, et il faut les deux moteurs ensemble. C'est là que surviennent de nouveaux problèmes sur le moteur tribord, toujours lui : il cale et redémarre de plus en plus difficilement. Clairement, il y a un problème sur l'admission de carburant. 


Nous atteignons Trapani en début d'après-midi. Nous avons parcouru 178 milles depuis Malte.














Trapani : l'avant-port
Je contacte la capitainerie par VHF, je reçois une avalanche en italien et en mauvais anglais à laquelle je ne comprends rien et dont je ne suis même pas sûr qu'elle s'adresse à moi ! Il y a en effet un important trafic de ferrys et beaucoup de conversations sur le canal du port. Je choisis d'ignorer les autorités et j'entre dans l'avant-port pour aller mouiller dans la zone autorisée, où se trouvent 4 autres bateaux.

La zone de mouillage
Nous resterons là au moins 2 jours pour laisser passer un gros coup de vent de nord-ouest. Nous mouillons par 9 m de fond de vase compacte en mettant toute la chaîne, sous le vent d'un vieux fort et d'une énorme barge qui devraient nous offrir un abri relatif. 
 
Une relative protection


Nous débarquons un peu au hasard dans une des marinas du gigantesque port, où nous sommes accueillis avec cordialité par une équipe de marineros français. 



Non seulement on nous indique où trouver un filtre à gazole pour le moteur, mais on nous charge dans une voiture qui a dû servir à Garibaldi, grand héros de la ville, et on nous mène chez un improbable vendeur de tout ce qui est mécanique. Je trouve mon filtre et on nous ramène, toujours avec la même gentillesse. 


La statue de Garibaldi sur le port

15 juillet : le moteur a son nouveau filtre, il démarre et tourne normalement. Problème (peut-être) résolu...
Le vent est monté dès le milieu de la nuit et va atteindre 33 nœuds. L'ancre tient bon sous les rafales. 


 

Autour de nous, un monocoque va se réfugier au port, et un catamaran canadien connaît des moments difficiles : il chasse à 2 reprises, prend des restes de filets dans son ancre, tente de mouiller de nouveau sans succès et se met à dériver vers l'autre côté de l'avant-port. 

Les mésaventures de Double Helix
Nous essayons de l'orienter vers nous, où le fond est bon, mais il n'entend pas nos appels à la VHF. La capitainerie les entend, elle, et me prend pour le bateau en difficulté. Il s'ensuit un dialogue de sourds que j'interromps pour prendre l'annexe et aller parler aux Canadiens, un couple de Vancouver d'un âge certain, un peu dépassés par les événements. Ils ont réussi à s'ancrer de nouveau mais sont en panne moteur ! Je leur dis d'appeler le port et les secours par radio. Un long moment plus tard, nous verrons un remorqueur venir les chercher et les amener au port. Soulagement, et encore une mission de sauvetage à l'actif de Shrubb !

Expédition en annexe
Comme distraction, les manœuvres de cargos




16 juillet : ce n'est qu'en début d'après-midi que le vent commence à passer en-dessous des 25 nœuds établis. Et qui voyons-nous arriver près de nous ? Les Canadiens ! Remis de leurs émotions et de leur avarie qui n'était qu'une panne de carburant, ils mouillent très près, trop près, et je leur fais signe de mettre un peu de distance. 

Coucou, les revoilà !
A moins de 20 nœuds de vent, nous pouvons laisser le bateau pour un complément d'avitaillement et une petite visite de la belle partie ancienne de Trapani. 
  
 











 
   

 
Une petite supérette trouvée après un moment d'errance

En fin de journée nous levons l'ancre, engluée de vase et qui a bien travaillé, cap vers la Sardaigne. 





Nous sommes sous un ris au près serré puis bon plein sous 15 nœuds de vent, et l'allure se maintient toute la nuit.

Visite de dauphins au crépuscule

17 juillet : mollissement et route au moteur au lever du jour, puis remise sous voiles vent arrière en début d'après-midi. Le vent ne dépasse pas 8 nœuds mais un courant porteur nous aide. Les côtes de Sardaigne sont en vue en fin de journée.

L'île du Toro
L'île de la Vache
Philippe aux fourneaux

18 juillet : vent modéré 7 à 9 nœuds, courant porteur jusqu'à 1,5 nœud, nous contournons le sud de la Sardaigne et l'île San Pietro pour remonter vers le nord. 


Nous remettons du moteur à 3 reprises mais sommes de nouveau sous voiles pour la nuit.
 

Pleine lune la nuit entière

Déconvenue : le moteur tribord n'est pas guéri. Il reste une entrée d'air quelque part et je n'arrive pas à la trouver. Il tourne cependant correctement une fois démarré.

Autre contrariété : j'ai épuisé mon forfait Iridium, les derniers chargements de fichiers météo ayant été laborieux et gourmands en minutes satellite. Je capte les ultimes fichiers par 3G près des côtes. Nous ne sommes plus qu'à 48 heures de l'arrivée et nous captons désormais les bulletins du Crossmed par VHF. Un BMS de Météofrance s'achève d'ailleurs sur Provence : pour nous la voie est libre.

19 juillet : la nuit a été d'une totale régularité. Au près à 5,5 nœuds, sous un petit vent de nord à 8 nœuds et une mer plate. Au lever du jour, le vent a molli, l'ambiance est irréelle : pas plus de mouvement ni de bruit qu'au mouillage, Shrubb reste sur des rails à 5 nœuds avec 6,5 nœuds de vent (sans courant !).

Navigation rêvée au lever du jour
Nous traversons au moteur une bulle de haute pression de midi à 19h, puis nous retrouvons le vent de l'autre côté, d'ouest au travers-largue, et nous sommes sur la route de l'arrivée à 5-6 nœuds jusqu'à la fin de la nuit.

Quelques heures de pétole...

Et c'est reparti !

Dernière ligne droite


La lune toujours avec nous

20 juillet : toujours sous voiles au lever du jour.

La lune se couche...
... Le soleil se lève
Le vent tombe à 7 h à l'est des Îles d'Hyères et nous finissons les dernières heures au moteur.

Amarrage à la bouée des Issambres en fin de matinée


Nous avons parcouru 1270 milles en 14 jours, dont 10 jours de navigation et 70% du temps sous voiles. Pas d'aventure saillante mais beaucoup de plaisir !


1 commentaire:

  1. Merci pour ce récit clair et détaillé de votre voyage aux Cyclades et le retour en France. Je vais m'en inspirer pour le voyage de cet été. Ce qui me rassure c'est que le Meltem dont tout le monde parle reste un vent qui ne casse pas tout. Je retiens aussi que les mouillages peuvent être pris un peu partout en Grèce et même à Trapani.
    Bravo pour ce beau périple et pour ce récit.

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