22 juin 2010

Des alertes météo (suite) : réfugiés en Sardaigne

.Cors10_060_s.jpgDe nouveau la Corse en couple. Emouvant : c'est un remake de ma toute première traversée en solo (cf. Traversée initiatique ).

Au programme la pointe sud de la Corse : Bonifacio, les Lavezzi, petite incursion à la Maddalena et remontée sur Porto Vecchio.

Mais la météo de ces derniers temps ne nous laissait guère d'illusions : il y aurait de probables changements au programme.





Fréjus-Bonifacio

Samedi 12 juin, le soleil commence juste à poindre sur Port-Fréjus silencieux : 5h30 du matin, départ pour Bonifacio, 170 nautiques à parcourir avec peu de vent annoncé. Je trouve un petit force 3 de sud au près : de quoi avancer à plus de 5 nœuds pendant presque 3 heures.
 
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C'est le moment de bronzer au soleil levant...

Ensuite vont alterner les heures au moteur et sous voiles. Le vent passe au sud ouest, puis au nord ouest, jamais plus de 7 nœuds. Aux allures de travers, Teles tient les 5 nœuds. Toute la nuit suivante passe au moteur.
 
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Crépuscule
 
Beaucoup de trafic, cargos et ferries à l'approche d'Ajaccio. Le sémaphore de Senetosa m'appelle à 4 heures pour contrôle de routine.
 
Au souvenir de ma précédente traversée il y a seulement 2 ans, la sécurité donnée par l'AIS et le radar est sans comparaison. Environné de 8 gros bateaux et 2 voiliers, je connais les trajectoires de chacun et je suis ma route en parfaite tranquillité. Mon sommeil est fractionné, efficace.
 
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Lever de soleil sur la côte corse
 

Cors10_008.jpgDimanche matin, 10 heures : le moteur se tait définitivement.
 
J'aborde les Bouches de Bonifacio et logiquement le vent monte : 11, 15, 18 nœuds de nord ouest, plein vent arrière. Je tire des bords avec 2 empannages successifs bien contrôlés, mais qu'est-ce qu'il faut mouliner du winch ! Petite gymnastique du matin en somme...


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Le Club Med 2 devant les falaises de Bonifacio
 
Cette traversée aura duré 31 heures 30, dont 16 heures sous voiles ce qui n'est pas si mal. Une fois amarré au port de Bonifacio, je m'effondre avec délices pour récupérer quelques heures de sommeil, en attendant Armelle qui me rejoint après un parcours en avion beaucoup plus aventureux : atterrir à Figari, où il n'y a aucun bus et où les taxis viennent (sur appel) quand ça leur chante, est un autre genre d'exploit !
 
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Ça va tenir combien de temps avant de s'effondrer ?
 

Bonifacio-La Maddalena

Activité n° 1 : étude de la météo. Les diverses sources s'accordent pour prédire un coup de vent, voire fort coup de vent (force 9) pour mardi. Impossible d'aller aux Lavezzi, hérissées de hauts-fonds et de récifs, que tous les guides nautiques recommandent uniquement par temps calme.

Cors10_022.jpgNous décidons de partir directement pour la Sardaigne, où nous ferons une escale de 48 heures à La Maddalena pendant la brafougne. 

Il y a déjà un bon force 4 quand nous quittons Bonifacio pour longer l'île Lavezzi et traverser les Bouches.
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Le cap Pertusato
  
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L'île Lavezzi
 
Nous voilà dans les eaux italiennes : nous entrons au portant dans l'archipel de la Maddalena, louvoyant entre les îles encore peu fréquentées à cette époque à part quelques voiles tranquilles.
 
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Mouillages sur la côte sarde autour de Palau
 
L'approche de La Maddalena demande de l'attention, entre le trafic dense des bacs et les nombreux récifs. Nous entrons au joli port de La Gavetta, rejoints par de nombreux bateaux qui viennent se mettre à l'abri du coup de vent prévu.
 
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Le port de La Gavetta
 
Les plaisanciers sont accueillis à l'italienne : gentillesse et efficacité. Des agents de la capitainerie sur deux pneumatiques jouent les autos tamponneuses pour amener les bateaux à quai. Une fois en place, l'un des agents saute sur le quai pour présenter amarres et pendille, puis laisse la fiche de port. Et au suivant...!
 
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Nous sommes amarrés en pleine ville, au ras des voitures : un peu bruyant mais bien pratique pour la visite.
 
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La Gavetta : Teles au quai d'accueil

 
Cors10_052.jpgPendant les 48 heures à venir, nous aurons un bon orage et du vent assez fort mais sans plus. 

Nous visitons la ville, et en particulier l'un des nombreux cavistes qui nous permet de charger les cales de vin de Sardaigne.




Cors10_054.jpg  L'Hôtel de ville
 
Cors10_062.jpg  Boutiques et terrasses
 
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Le vieux port
 
Cors10_069.jpg  Décoiffant...

La Maddalena-Porto Cervo

Mercredi 14 juin : le vent a un peu molli mais reste dans les 20 nœuds ; on en compte en principe 10 à 15 de plus dans les Bouches de Bonifacio, donc route barrée pour nous. Nous allons rester en Sardaigne et descendre la côte vers le sud est, pour atteindre Porto Cervo.
 
Cors10_083.jpgLe vent vient de l'ouest, toujours l'influence du mistral, nous sommes donc au portant. 

A la sortie est de l'archipel on enregistre 23 nœuds de vent, un petit force 6. Et Armelle n'est toujours pas malade ! Douze milles en deux heures de navigation rapide nous amènent à Porto Cervo, la station la plus select, la plus chère, la plus snob de la Sardaigne !



Là, que des bonnes surprises : le cadre est magnifique, la rade est quasi-déserte et bien abritée du vent d'ouest.
 
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Porto Cervo : la rade et la marina
 
A côté de quelques grosses unités impressionnantes, nous retrouvons avec plaisir le catamaran Tao, notre voisin de ponton à Bonifacio et à La Maddalena.
 
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Tao nous a précédés
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Le mouillage est parfait, face à l'entrée de la rade
 
Nous nous apprêtons à gonfler l'annexe, mais Tao a mis la sienne à l'eau et vient aimablement nous chercher. Nous débarquons donc à quatre dans cet univers de milliardaires, à peu près inhabité à cette époque : village aux teintes vives, de style vaguement andalou, vitrines Prada, Versace et Tagheuer, rien que du banal finalement par rapport à notre autoroute Cannes-Pampelonne...
 
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Porto Cervo : le village
 
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Villas de grand standing
 
Étonnant : il n'y a pas de restaurant ! A part deux ou trois tables de grand luxe, où le smoking est probablement de rigueur, aucune trattoria sympathique, pas de brasserie ombragée où on savourerait la beauté du lieu. Nous dénichons un unique bar près du port pour une bonne birra locale (même pas de pression, mais c'est servi aimablement avec une profusion de petits amuse-gueule), en plaignant sincèrement la jet-set qui vient ici pour jeûner et sûrement s'ennuyer ferme...
Il fallait bien une bévue, une impardonnable maladresse : dans nos manœuvres en annexe, je laisse échapper mon appareil photo. Il tombe sur le quai, de travers, glisse vers le bord, et finalement plonge au fond du port ! Evidemment complètement fichu, je n'ai même pas envie d'essayer de le repêcher. Après une douzaine d'années de bons et loyaux services, ce Canon Eos D60 a fait son temps ! J'avais heureusement chargé presque tout son contenu sur l'ordinateur de bord à La Maddalena. Pour la suite... c'est mon téléphone qui me servira d'appareil, pas mauvais d'ailleurs tant ces gadgets ont fait de progrès en qualité.
Inond.jpgLe soir, je capte une connexion internet et nous ouvrons les téléphones.
 
Effarés, nous apprenons les dramatiques événements qui se sont abattus sur le Var ces deux derniers jours : pluies torrentielles, des morts par dizaines...
 
De partout nous parviennent des mails et des appels de la famille, des amis qui s'inquiètent pour notre sort. Nous appelons à notre tour ceux qui n'ont pas pu nous joindre. A la maison, pas de dégâts, nous sommes en dehors de la zone sinistrée. Nous n'avons eu ici qu'un faible effet de ces intempéries, juste assez pour jouer la prudence : c'était amplement justifié.


Porto Cervo-Sant'Amanza

La météo nous prédit un vent faible d'ouest. Peut-être allons-nous pouvoir enfin aborder les Lavezzi.

Nous quittons Porto Cervo au près. Il faut tirer quelques bords contre un fort courant à l'approche des Bouches : le retour dans les eaux françaises n'est pas aisé. Ça commence à secouer, les entrailles d'Armelle se signalent quelque peu : vite on relâche quelque part ! 

Nous sommes au nord de l'île de La Maddalena, où nous trouvons un agréable mouillage pour le déjeuner et une sieste bienvenue.
 
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Le mouillage et le petit port de Porto Massimo
 
Notre route se poursuit le long des Lavezzi, côté est cette fois : le vent reste à un bon force 4-5 et la météo, que nous suivons en permanence, confirme un vent soutenu pour la nuit.
 
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Lavezzi : au large de l'île Cavallo
 
Nous décidons de poursuivre pour chercher un nouvel abri au fond du golfe de Sant'Amanza, cette grande échancrure au sud est de la Corse. Nous aurons parcouru 30 milles dans la journée.
 
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L'entrée du golfe de Sant'Amanza
 
Ce golfe est grandiose : parois élevées, eaux calmes, silence. On dirait un grand lac de montagne. La zone de mouillage est tellement vaste, avec 2 ou 3 bateaux isolés, que le choix est difficile. Après avoir observé les couloirs de vent, je choisis un endroit qui semble bien abrité, sous le vent d'une falaise abrupte et sur un fond sableux bien visible sous l'eau parfaitement limpide.
 
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Mouillage à Sant'Amanza
  
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L'eau est à 20°C... tout le monde ne se laisse pas tenter !
Bien abrités du vent d'ouest, aucun doute... mais pas de la houle de nord est ! Celle-ci commence à entrer en début de soirée : le bateau roule nettement, puis le phénomène s'atténue. Nous aurons une nuit tranquille (ouf ! l'estomac d'Armelle...) jusqu'à 6 heures du matin où le roulis reprend franchement. Inconvénient de ce superbe mouillage, la houle est bien une constante des côtes corses, tant à l'est qu'à l'ouest.

Sant'Amanza-Porto Vecchio

Cette fois le vent est vraiment tombé et, pour la première fois de la semaine, nous allons faire route au moteur sur les 17 milles qui nous séparent de Porto Vecchio. La côte est toujours belle, mais véritablement polluée (dans tous les sens du terme) par les promène-couillons qui foncent à 20 nœuds dans les mouillages, de Porto Vecchio jusqu'aux Lavezzi.
 
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Le célèbre mouillage de l'anse de Rondinara
 
Porto Vecchio est situé au fond d'un vaste golfe de faible profondeur, précédé par une large baie dont l'entrée est particulièrement majestueuse entre les reliefs montagneux.
 
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L'entrée du golfe de Porto Vecchio
 
Un fort coup de vent est annoncé depuis plusieurs jours sur sud Corse. Il est confirmé au fil des bulletins et là aussi les bateaux affluent au port, dont un grand nombre de grosses unités que la capitainerie place avec un doigté vraiment remarquable.
 
Cors10_105.jpgTeles se voit attribuer une place d'accès très étroit. Un agent de la capitainerie monte à bord pour nous aider dans cette entreprise périlleuse. 

Je passe en marche arrière à quelques centimètres des ancres et des hélices de plusieurs bateaux... sous les applaudissements des occupants du ponton adjacent, ainsi que les compliments appuyés de l'agent de la capitainerie ! De quoi se prendre une grosse tête...




Dernière soirée en Corse - du moins ensemble : petite visite de Porto Vecchio et dîner dans le meilleur restaurant, pour finir en beauté.
 
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Dans la vieille ville
 
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A la table d'un restaurant à recommander : la Furana

 

Porto Vecchio-Fréjus

Cors10_122.jpgSamedi 19 juin.
Briefing météo (je me réunis moi-même, c'est simple) : avis de coup de vent, voire tempête (force 10) sur Roussillon, Provence et Corse. Au moins force 9 aux Bouches de Bonifacio. Force 8 sur le Cap Corse jusqu'au dimanche 12h TU. Dépression sur le golfe de Gênes amenant un flux de nord puis d'ouest. Ouest mollissant dimanche et lundi entre Corse et Côte d'Azur. 



Ayant depuis longtemps prévu la route est, je dois donc remonter vers Bastia, attendre la fin du chahut sur le Cap Corse dimanche après-midi, arrondir largement le cap puis trouver du vent de nord qui m'amène sur la route directe de Fréjus.
 
Ayant laissé Armelle aux délices des cars, avions et taxis, Teles embouque la sortie de Porto Vecchio sous 2 ris, un grand frais étant annoncé jusqu'à cette zone. En fait le vent ne dépasse pas une quinzaine de nœuds au portant : je largue les ris, j'en reprendrai un sous 22 nœuds de vent peu après, toujours de sud ouest. Temps idéal pour reprendre de fond en comble le réglage du pilote en mode vent, que je n'ai jamais encore pu peaufiner de façon satisfaisante avec un vent bien soutenu. J'y passe près de 2 heures, en reprenant ligne à ligne toute l'arborescence du calculateur, dont la complexité dépasse celle d'une navette spatiale... Ça me semble finalement parfait.
 
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Au travers d'Aleria
 
La côte est injustement décrite comme plate et monotone. Je la trouve superbe, avec ses longues étendues au pied des montagnes, souvent sauvage. 

Après avoir longé Solenzara, Aleria et Campomoro, j'ai repéré trois zones possibles de mouillage selon mon heure d'arrivée. Ce sera celle du milieu, une dizaine de milles au sud de Bastia, où je jette l'ancre peu avant le crépuscule.
 
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Mouillage à Punta di San Pellegrino
 
Ce mouillage n'est pas du tout abrité. Il y a peu de vent mais pas mal de houle. Le bateau roule beaucoup, ce qui n'empêche pas un excellent dîner et une tranquille soirée-lecture. Le reste de la nuit, je ne sais pas : j'ai dormi d'un trait !

Dimanche 20 juin : ce sera du sérieux. Levée de l'ancre à 8h30, peu de vent et courant contraire, je fais route au moteur deux petites heures. De nouveau sous voiles, je dépasse Bastia qui est sous les averses. Le vent monte rapidement : c'est un grain.
 
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Tonnerre, éclairs et rafales à 30 nœuds
Sous 3 ris, je me rapproche de la côte pour étaler la perturbation qui va durer une demi-heure. Puis je reprends la route sous 2 ris, le vent reste entre 20 et 25 nœuds au nord ouest, donc au bon plein avec une mer assez agitée. Visiblement, on s'approche du Cap et on en ressent les effets.
 
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Nuages lenticulaires, signe de forts vents d'altitude
 
Cap Sagro : limite du coup de vent indiqué par la météo. Il est 14 heures, je devrais pouvoir passer sous 3 ris et foc partiellement enroulé. Je trouve une ligne virtuelle, parfaitement nette sur ma trace GPS, où le vent monte en refusant à plus de 30 nœuds avec de fortes vagues. Le bateau est violemment secoué, le gréement vibre de tous ses haubans, le foc fasseye bien qu'étarqué à mort.
 
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Voiles réduites et bordées au maximum
 
J'abats en redescendant et fais une nouvelle tentative plus à l'est. Ce petit jeu va durer plus de trois heures, au point que j'appelle le Cross pour m'assurer que je n'aurais pas manqué une alerte météo. Il me faudra cinq assauts pour enfin passer le cap Sagro (au large) et faire route plein nord. Je pousse un cri de victoire à l'intention des vagues : "j'ai réussi, je suis passé !".
 
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Le cap Sagro derrière les embruns
 
Je passe la Giraglia à 17h15. Le vent est toujours à l'ouest et je poursuis vers le nord. La renverse ne devrait plus tarder... Et comme prévu, mais juste un peu plus tard, je quitte à 20h l'influence du mistral pour entrer dans celle de la dépression annoncée : vent tournant au nord, virement de bord, cap direct sur Fréjus au bon plein puis par vent de travers à 12 nœuds. Je largue deux des trois ris, j'en garde un par prudence pour la nuit.

Cors10_134.jpgIl y avait juste un imprévu... Ce vent va fraîchir considérablement, et la mer se creuse vite. Il est 21h, la nuit arrive : pas d'hésitation, je remets les 3 ris, j'enroule presque la moitié du foc. 

Quand la nuit tombe, les rafales dépassent 28 nœuds, les creux font 3 bons mètres. L'étrave enfourne sous les vagues, un fleuve ruisselle sur tout le pont avant de se vider par l'arrière dans un sifflement puissant : le bateau passe pratiquement sous l'eau ! Il devient impossible de tenir dans le cockpit, balayé par les paquets de mer et agité de secousses qui feraient une bonne catapulte à skipper !





Comment passer la nuit dans ces conditions ? Je règle le pilote qui suit parfaitement, maintenant bien ajusté ; l'AIS et le radar sont activés avec leurs alarmes ; j'ouvre la fenêtre du barographe sur l'ordinateur de bord ; je surveille le gestionnaire de batteries car le pilote travaille dur ; je ne quitte pas mon gilet et mon harnais et j'ai assuré ma sangle dès la sortie de la descente quand je monte au cockpit. 

Étant tribord amures, je me cale contre la table à cartes sur bâbord, l'œil près de l'écran de l'AIS, dans une position permettant mes cycles de sommeil. Par ce temps, je ne crains guère de rencontre avec un voilier et donc tout navire de passage doit avoir son AIS branché. Pour le reste, je vais faire une petite incursion sous la capote toutes les 20 à 30 minutes, ce qui me permet de constater la panne du feu de position tribord : gênant...
 
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C'est salé...
 
A 2h du matin, un cargo espagnol nommé Santa Carolina vient sur mon tribord, avec croisement prévu à moins d'un mille. Je l'appelle à la VHF pour signaler mon feu tribord en panne empêchant de m'avoir en visuel. Le capitaine très prévenant comprend parfaitement, me remercie de l'info et m'indique qu'il va accélérer pour passer devant moi si la route est trop proche. Dans cette atmosphère de cataclysme, ce genre d'échange est vraiment réconfortant ! A l'approche du cargo, je monte pour distinguer, à travers les embruns, sa masse sombre à peine visible passant devant moi, à distance courte mais raisonnable.
 
Le vent ne faiblit pas : on reste entre 25 et 30 nœuds. Le barographe accuse une forte remontée, trop rapide. Je décide d'abattre de 15° pour m'éloigner du centre de la dépression. Les chiffres redescendent, le vent reste stable. Aucun changement de toute la nuit. Je fais confiance au matériel : le pilote travaille sans relâche et à la perfection, les batteries maintiennent leur charge, le cap est bon après un léger rattrapage, la vitesse est maîtrisée autour de 7,5 nœuds. J'éclaire le pont périodiquement : pas d'avarie décelable.
 
5h du matin : c'est comme si on avait débranché la prise. Tout s'arrête presque instantanément. Je passe en quelques minutes d'une route sous voiles à 3 ris à une quasi-pétole. La mer reste agitée avec 1,50 m de houle, et sans vent le bateau est secoué en tous sens. Il faut un minimum de vitesse et je mets le moteur en route pour la matinée, alors que se profilent la côte italienne et la Côte d'Azur. Je remettrai sous voiles à midi en vue de l'Esterel pour finalement m'amarrer à Fréjus après 179 nautiques et 32 heures passablement mouvementées.
 
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Retour à la maison !
 
Ce retour est un des parcours les plus durs que j'aie connus. Je le compare à la traversée Corse-continent sur le retour de la Route du Jasmin en 2008 (Les 1000 milles du Jasmin) : la mer avait été plus forte mais le coup de tabac avait duré moins longtemps ; et cette fois-ci j'étais seul. Mais un bateau de 37 pieds étale le gros temps infiniment mieux qu'un 31 pieds, et l'inconfort a été finalement moindre, sans fatigue excessive à l'arrivée.
 
Satisfaction suprême : Armelle a passé une semaine entière sur le bateau sans le moindre mal de mer. 

Une date !
 

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